Chloé la brune est une vadrouilleuse dont les pérégrinations ne cessent d’influencer sa musique. Daniel Fernandez, qui la connait bien, sait qu’elle ne compte pas pour des prunes. Pour son coup de cœur saisonnier, il nous présente cette jeune dijonnaise aux sonorités africaines, dont l’album est en préparation.
Par Daniel Fernandez / Photo : Latifa Messaoudi
Elle navigue depuis longtemps entre le blues et le jazz, la chanson française, les musiques tzigane et africaine, en passant par les gnawa et la musique latino. Latine, elle l’est par son apparence, par son sang et par ses sens. Chloé la brune est comme munie d’une bandoulière transparente où la cartouchière est chargée de savoirs, de techniques, d’épices du monde aux goûts musicaux, plus surprenants les uns que les autres. Elle appartient à ce monde parallèle où les nomades se croisent et se racontent, enjambant les frontières, traversant les mers, avec sa voix pour tout passeport. Toute jeune, elle savait déjà qu’elle ne serait pas sédentaire.
Tortue africaine
Elle commença à chanter avec le trio de nanas dijonnaises Les Tortues Jeanine, qui a sillonné la Bourgogne et d’autres contrées. Reprenant un répertoire de chansons caustiques et réalistes de l’entre-deux-guerres, sans micro ni filet, c’est certainement la rue qui fut sa meilleure école. Elle est tantôt troubadour, facteur de rêves ou conteuse. « Le reste, on verra plus tard », dit-elle. N’est-ce pas déjà un luxe que de vivre de nos mains, de nos mots et de notre voix ?
Chloé revient d’Afrique – à 17 ans, elle faisait partie d’une troupe de théâtre franco-béninoise en tant que scénographe, comédienne et danseuse – où, en octobre , elle a travaillé et enregistré des titres avec le groupe International African Jazz sur son projet Mahudjoro (son prénom béninois).
En les écoutant, j’ai retrouvé le son de là-bas, avec ses rythmes sacrés issus de la culture vaudou, très méconnue chez nous. Rien de sorcier là-dedans, contrairement à ce que le mot peut évoquer. Quelques chansons sont nées (ou vont naître) de cette terre africaine, comme des graines parsemées sur son passage et irrigués par ses envies, me confie-t-elle. Et toujours cette soif d’apprendre qui la caractérise, cultivant les notes et leurs pétales de mots, juste avant de les tailler et de les pétrir, jusqu’à ce qu’ils épousent la forme voulue, pour leur donner le son et le goût désirés.
Coup de cœur gospel
Artisane de la chanson, Chloé peaufine, patine et satine ces petites perles qui, bientôt, caresseront nos oreilles. Et qui, avec un peu de chance, arroseront le désert musical peuplant les ondes. Elle ne vient pas de la téléréalité, ni de ces fabriques à chanteurs jetables. Elle s’est forgée sur le terrain, et depuis longtemps. Un soir à Paris, à 22 ans, elle fait une rencontre déterminante qui lui montrera la voie et lui offrira la voix. La chanteuse de gospel Rachel Ratsizafy touche profondément son être et la transporte, lorsqu’elle lui dit « tout ce que tu entends avec ton cœur, tu pourras un jour le chanter ». Et depuis, comme le cœur de la brune n’a pas de frontière, elle vit son rêve, peu importe l’argent et la valeur que l’on donne aux choses. Son passé vaut tout l’or de ce monde et toutes les paillettes que l’on nous impose à l’heure des leurres. La brune se promène bien au-delà de tout ça. Et ça fait du bien de la croiser, l’oreille s’aiguise et le temps s’étire à sa guise. Quand quelques cordes se mettent à vibrer et un peu de bois à résonner, ça réchauffe, tisse et retisse nos liens ! Et si j’ai une relation particulière avec elle, c’est parce que je l’ai rencontrée quelques jours après sa naissance et que je n’ai jamais été bien loin de ses premiers pas. Aujourd’hui, j’attends son album avec impatience.