Rolex de l’époque, le bracelet en verre celte est à l’honneur pour la première fois en France au MuséoParc Alésia. Concentration unique de pièces exceptionnelles, l’exposition « Bling Bling ! Le verre gaulois s’affiche » dévoile une société qui portait le bijou comme nous nos Ray-Ban. Visite guidée avec Joëlle Rolland, archéologue spécialiste du sujet
Par Katerina Névaski
Photos : Christophe Remondière
Imaginez. À la table en terrasse à vos côtés, une jolie femme d’une élégance toute parisienne vous adresse un léger sourire. Vous la saluez, la complimentez sur sa tenue, la questionnez sur les incroyables bracelets de verre qu’elle porte au bras. Elle n’est pas de Paris. Comme ses bijoux, elle n’a pas d’âge. Elle vient de loin (dans le temps) : c’est en sesterces qu’elle règlera son verre de vin. Surgie de l’Antiquité par la magie d’une faille temporelle, cette jeune Celte de haute lignée ne se distinguerait en rien des femmes du XXIe siècle, si ce n’est par sa parure. Aujourd’hui encore, artisans et archéologues tentent de percer le secret de ces fantastiques bracelets de verre qui ne présentent aucune soudure apparente.
Bling Bling ! est une incroyable expo sur la parure gauloise. Archéologue installée à Prague où elle poursuit ses recherches, Joëlle Rolland fait revivre un art que ni Grecs, ni Romains, ni Égyptiens ne connaissaient. « Coûteux, exotique… Les Gaulois importent le verre du Proche-Orient et l’étirent par filage pour la fabrication exclusive de perles et de bracelets de prestige. »
Ce savoir-faire perdu en Europe, Joëlle et des artisans verriers l’ont redécouvert dans la documentation sur l’artisanat du Népal, de l’Inde, du Nigeria… Pourtant, « les décorations celtes n’ont aucune équivalence dans le monde et nous sommes totalement incapables de reproduire certains de ces objets complexes ». Par sa beauté, le verre exerce une attraction considérable sur les populations celtes.
Afficher sa richesse
« La femme et l’homme gaulois sont comme nous : ils ont envie de montrer à l’autre qui ils sont. Nous sommes tous attachés à ce qui nous habille et nous donne sens. »
Dans les parures de luxe, le bijou ne démarque plus le genre mais la richesse. « La seule représentation d’un bracelet en verre que l’on connaisse apparaît sur la statue d’un guerrier portant une cuirasse, un torque à son cou marqueur de l’aristocratie, une épée et un bracelet en verre signalant la richesse et le statut social. C’est le principe du bling-bling : on choisit ce qu’on met pour montrer aux autres qu’on est capable de l’acheter. Ces objets affichant la richesse montrent notre place hiérarchique. » Dans la société gauloise comme dans la nôtre.
Les Gaulois et les Gauloises sont comme nous
Symbolique des couleurs, transparence et son : on peut également penser que le verre avait des vertus magiques.
« On a retrouvé des tombes fastueuses de femmes enterrées sur des chars, portant des torques avec de grands anneaux en verre qui ont pu être portés comme des bracelets, souvent avec des pendeloques. Essayez d’imaginer le son que produisaient ces bijoux lorsqu’elles approchaient. On a souvent donné à ces femmes des rôles de prêtresses magiques, leurs tombes recélant des mélanges de matériaux de provenance très lointaine, ambre ou corail. Avec leurs bracelets en verre, lumineux, transparents, colorés, elles apportaient des sons totalement nouveaux pour cette période. » Ce qui n’empêche pas l’idée de beauté d’évoluer avec la mode. « Au IIIe siècle avant J.-C., le goût pour l’art végétal se retrouve sur les bracelets à bourgeons. À la fin de l’Âge du fer, on va vers des objets simples et lisses. Les Gaulois et les Gauloises sont comme nous, ils n’ont pas envie de porter les mêmes bijoux que leurs grands-mères. »
À travers l’exposition Bling Bling !, l’archéologue Joëlle Rolland a intié notre chroniqueuse Laëtitia à la joaillerie celte.
« Les Celtes étaient plus cool que nous »
Michel Rouger est le directeur général du MuséoParc Alésia
Femmes en Bourgogne : Alésia… musée ou parc ?
Michel Rouger : La culture doit être joyeuse. Si les gens prennent du plaisir et sourient, c’est pari gagné. Il faut dédramatiser l’approche culturelle des musées. Nous ne sommes pas un parc de loisirs, on vient pour apprendre des choses, mais nous vivons dans une société où ce n’est pas rose tous les jours pour tout le monde. Le musée doit être une bulle échappatoire. Beaucoup de gens pensent que ce n’est pas pour eux, alors qu’en fait c’est pour tout le monde.
Comment enchanter la visite d’un musée archéologique ?
Avec nos vidéos mensuelles humoristiques, en osant une murder party dans nos murs et des visites théâtralisées volontairement loufoques, mais avec tout le sérieux du contenu historique.
Bling bling ! lève justement les clichés sur les Celtes. Quel est leur point commun avec nous ?
Quand on est une élite, on cherche à se distinguer et à le montrer. Pour le coup, on n’a rien inventé. Quand vous avez le pouvoir et l’argent, vous vous parez de manière à ce qu’on vous remarque. On pense qu’ils portaient plusieurs bracelets au bras, ils ne cherchaient vraiment pas la discrétion.
Mais peut-être étaient-ils plus cool que nous ?
Porté par l’homme ou la femme, ce bracelet en verre n’a pas l’air de poser de questionnement majeur sur le genre chez les Gaulois puisqu’on le trouve dans les tombes des deux sexes. Peut-être que dans 2 000 ans, on se rendra compte que notre société n’est pas si ouverte d’esprit. Nous ne sommes pas aussi tolérants qu’on veut le montrer. C’est peut-être ça, la différence entre nous et les Celtes.
Bling Bling ! Le verre gaulois s’affiche
Exposition jusqu’au 22.09
MuséoParc Alésia
21150 Alise-Sainte-Reine
www.alesia.com