Elles assurent l’indispensable relation entre apprentis et entreprises pour la signature de contrats. Anne-Bénédicte D’Attoma et Rachel Pirot sont des pièces inamovibles de l’Ecole des Métiers (ex CFA La Noue) : être AJE, c’est mener un petit jeu d’équilibriste entre fermeté et sensibilité. Portrait.
Par Michel Giraud / Photo : Christophe Remondière
Ce jour-là, comme souvent, ils sont nombreux à taper à la porte d’Anne-Bénédicte D’Attoma et de Rachel Pirot. Un petit conseil, un problème à gérer, une envie de rejoindre l’Ecole des Métiers nouvellement rénovée… Les cas de figure sont différents mais l’état d’esprit reste le même : « Je suis un peu la deuxième maman de ces jeunes, pose avec douceur Anne-Bénédicte. En tout cas, j’appréhende mon rôle avec cette sensibilité. » Il faut en effet au moins cela pour assumer le poste d’accompagnatrice jeunes entreprises (AJE), qui est mine de rien au cœur du dispositif de l’École. « Je sécurise les apprenants, depuis leur première démarche jusqu’à la signature de leur contrat. Je suis à la croisée des chemins. D’un côté, il y a les entreprises qui me contactent pour m’exprimer leurs besoins, de l’autre il y a les jeunes et leurs projets. »
Des jeunes qu’Anne-Bénédicte et Rachel rencontrent chaque semaine ou presque, lors de forums ou d’interventions dans les collèges, dès la classe de 4e. À elles ensuite d’effectuer le rapprochement, sur la base de leur connaissance très fine de l’entrepreneuriat local : « Il faut trouver le bon mariage.
Les entreprises, je les connais, je sais ce qu’elles recherchent et comment elles fonctionnent. Il me faut cerner rapidement le profil des jeunes pour leur proposer le bon poste et éviter les ruptures. »
« Passe ton bac d’abord »
Anne-Bénédicte D’Attoma porte forcement un regard aiguisé sur le monde de l’apprentissage. Et ne cache pas sous le tapis l’image encore un peu écornée qu’il se traine, « même si les parents sont plus et mieux informés, grâce au travail de nos équipes. Mais certains – y compris des enseignants en lycée général – ont encore du mal à être convaincus de l’excellence par l’alternance. Le « passe ton bac d’abord » est encore bien présent dans l’inconscient collectif. » Et puis il y a les jeunes et leurs idées reçues : « Ils ont conscience de ce qu’est l’apprentissage. Mais il faut être vigilants, car certains auraient tendance à éprouver un ras-le-bol de l’école et choisir par réflexe facile l’apprentissage. Et lorsqu’ils se retrouvent devant le fait accompli, confrontés au monde du travail, à ses réalités, ne serait-ce que la fin des vacances scolaires, certains reculent. À nous de les informer de manière à ce qu’ils fassent leur choix, en toute connaissance de cause. »
Bienveillance et pragmatisme
Dans le bureau d’à coté, Rachel Pirot a pour délicate mission de gérer les ruptures. L’autre partie du tandem assume son rôle de médiatrice, se montre en toute circonstance « vigilante à l’égard des jeunes, qui ont tendance à être rapidement insatisfaits ». Pour cela, c’est certifié, « la qualité de l’écoute est essentielle ». Parce que l’humain est au cœur de la machine, et que les apprentis « ne sont pas des pions ; ils sont là pour construire leur vie professionnelle et forger leurs propres conditions d’épanouissement ».
La démarche est bienveillante et pragmatique. Et efficace !
En 2017, feu le CFA la Noue, désormais École des Métiers Dijon Métropole, a accueilli 1 200 apprentis et 40 de plus en 2018, avec à peine 10% d’abandons. « Il ne s’agit pas uniquement de ruptures, nuance Rachel Pirot, car nous comptons aussi les réorientations et les déménagements de parents. Du coup, le ratio est quand même très bon. »
Immersion et parrainage
Et sa collègue Anne-Bénédicte de capitaliser sur « une démarche d’anticipation », notamment via le dispositif Futur(e) Apprenti(e), à travers lequel la structure propose des journées d’immersion et des stages avant que les jeunes ne s’engagent dans leur contrat. « Cela évite les désillusions, tout comme notre dispositif de parrainage baptisé Objectif 100 % où des personnalités, professionnels, élus, jouent le rôle d’interface en faisant profiter aux jeunes de leur vécu et leur réseau. »
Et les filles dans tout cela ? « Grâce à son panel de formations, l’École accueille quasiment autant de garçons que de filles, se satisfait Anne-Bénédicte d’Atomma. J’observe qu’elles sont très présentes en pâtisserie, en coiffure aussi, où les effectifs sont à nouveau satisfaisants après une période de calme durant laquelle il fallait se battre pour pourvoir toutes les offres de contrat. D’autres jeunes femmes n’hésitent plus à toucher à la mécanique ou la carrosserie, des secteurs où elles ont systématiquement des débouchés. » Ne pas s’y fier !