Kildine Bataille, adjointe au maire de Dijon sur les questions de petite enfance et d’égalité femmes-hommes, revient sur l’un des plus gros combats de son mandat.
En 2020, 113 féminicides ont été recensés en France métropolitaine. En novembre 2021, ce triste nombre vient d’être de nouveau égalé. Comment expliquer des chiffres encore aussi élevés ?
Le confinement y est pour quelque chose. L’ONU a parlé d’une « pandémie fantôme » et en effet nous avons constaté une hausse des violences à l’échelle nationale. L’effet confinement et cette crispation globale de la société ont fait augmenter les violences intra-familiales, conjugales et faites aux enfants. Mais je crains qu’il y ait une sous-évaluation car pour de nombreuses femmes, il y a une difficulté à aller porter plainte. Par peur de ne pas être reçue comme il faut – une grande partie de nos forces de l’ordre n’est pas encore assez armée pour recevoir cette parole. Il y a aussi une réalité: 70 % des plaintes sont malheureusement classées sans suite. À un moment donné, les victimes se demandent si cela vaut vraiment le coup. En revanche, l’effet #MeToo a permis de libérer la parole et cela a aidé certaines à porter plainte. Malheureusement, cela reste encore trop peu.
Porter plainte reste donc une action difficile. En juillet dernier, 220 000 femmes avaient déclaré avoir subi des violences et seules 18 % d’entre-elles ont porté plainte. Est-ce qu’à Dijon des initiatives sont prises avec les commissariats pour améliorer cet accueil ?
Bien sûr ! Nous développons des permanences locales d’accompagnement spécialisé à destination des femmes victimes. D’abord, au commissariat place Suquet, une personne est dédiée à l’accueil de ces femmes et de ce genre de plainte. Il y a aussi une permanence à la maison de la tranquillité publique de Fontaine d’Ouche : c’est une antenne spécialisée où elles peuvent signaler des violences, raconter leur histoire et trouver un accompagnement. Le collectif d’information sur le droit des femmes et l’association Solidarité femmes 21 les conseillent. C’est une véritable chaîne de co-responsabilité. Donc oui, Dijon développe ces lieux de libération de la parole.
« Mon mandat, je le vis vraiment comme un 25 novembre et un 8 mars permanent »
Quelles actions et dispositifs dans l’espace public la ville de Dijon met-elle en place pour venir en aide à ces femmes ?
Les collectivités locales sont vraiment essentielles dans cette chaîne. Depuis le mois de novembre, nous avons mis en œuvre le « violentomètre », un outil simple pour sensibiliser aux violences conjugales en mesurant si sa relation amoureuse est basée sur le consentement et comporte ou pas des violences. Pour cela, nous avons instauré un partenariat avec les boulangeries de Dijon : cette échelle de violence ainsi que les numéros d’urgence seront imprimés sur les sachets de pain pour une communication massive et grand public. Par ailleurs, nous avons mené une campagne de sensibilisation contre le harcèlement dans les transports publics, en lien avec Divia, avec une première campagne de communication lancée en novembre dernier, et une seconde en mars de cette année.
Enfin nous allons signer bientôt la charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. Ce document, porté par le Conseil des communes et régions d’Europe (CCRE), compte 30 articles à travers lesquels nous nous engageons sur des sujets comme l’équilibre femmes-hommes dans la représentation politique, l’élimination des stéréotypes sexués, l’intégration du genre dans l’ensemble de nos activités.
Par-delà les chiffres et les actions, que souhaiteriez-vous dire à ces femmes victimes de violences ?
Tout simplement leur dire qu’elles ne sont pas seules. Vous n’êtes pas seules et je vous crois ! Mon mandat, je le vis vraiment comme un 25 novembre et un 8 mars permanent. Tous les jours, nous devons dénoncer, prévenir, prendre en charge et accompagner, c’est une problématique du quotidien.
Briser le silence
Et si une baguette pouvait sauver des vies ? Le 24 novembre dernier, la ville de Dijon, en collaboration avec la chambre de métiers et de l’artisanat de Côte-d’Or, a fait des boulangeries un lieu stratégique pour sensibiliser aux questions de violences faites aux femmes. Sur les sacs à pain figure désormais un « violentomètre ». Cet outil permet de mesurer le degré de violence au sein d’un couple : vert pour une « relation saine », orange pour « appeler à la vigilance », rouge pour « signaler un danger ». Selon Catherine Marchi, militante féministe depuis plus de 25 ans, ce genre de campagne permet aux hommes de « questionner leurs propres actions ». « Quand on passe dans la zone rouge, il n’est plus question de dialogue. Les exemples donnés sont très divers : il te touche les parties intimes sans ton consentement, menace de se suicider à cause de toi, te menace avec une arme… On est dans le domaine des violences conjugales et on dit à ces femmes que leur relation doit cesser et qu’elles doivent se faire aider. » Une aide qui est notamment proposée, à Dijon, par l’association Solidarité femmes 21. Tous les ans, plus de 600 femmes de la région sont écoutées et accompagnées dans le cadre de ces violences. Des initiatives et des actions qui permettent petit à petit de briser le silence sur un sujet encore trop tabou.
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