L’Opéra de Dijon accueille deux metteuses en scène au parcours colossal. Silvia Costa signe Julie de Philippe Boesmans, et Amélie Niermeyer, Don Pasquale de Donizetti. Deux femmes, deux vies, à contre-courant.
Actrice, auteure, performeuse, scénographe et metteuse en scène italienne de renommée internationale, Silvia Costa hybride théâtre et opéra.
[Femmes en Bourgogne] Comment concevez-vous votre mission de metteuse en scène ?
[Silvia Costa] Il faut traduire en images et en idées le texte et la musique d’un opéra ou d’une pièce de théâtre. Une traduction philosophique et artistique. Je n’ai pas d’équipe fixe. Mon dogme, c’est de créer une petite famille avec des moments agréables de travail et de vie partagés pour créer ensemble une œuvre unique. Vous accordez de l’importance à l’intuition et à la sensibilité… Il faut connaître le travail, avoir de l’expérience mais ça ne suffit pas. Il faut des gens qui ont la volonté et l’amour, une vision et une esthétique proches de la tienne. Il est important que la metteuse en scène se laisse aller à une intuition qui n’est pas raisonnable. Comme dans la vie, les choses qui arrivent par hasard deviennent un destin.
Vous accordez de l’importance à l’intuition et à la sensibilité…
Il faut connaître le travail, avoir de l’expérience mais ça ne suffit pas. Il faut des gens qui ont la volonté et l’amour, une vision et une esthétique proches de la tienne. Il est important que la metteuse en scène se laisse aller à une intuition qui n’est pas raisonnable. Comme dans la vie, les choses qui arrivent par hasard deviennent un destin.
Qu’en est-il de la place des femmes metteuses en scène ?
Les choses bougent, de plus en plus de femmes dirigent et trouvent une place dans des postes de direction artistique ou de mise en scène. Mais je n’aime pas quand on est appelées à ces rôles en tant que femme. C’est une façon de marquer une différence de sexe, plutôt qu’une pluralité de langages dans la création. Alors que la polarité entre ce qui relève du masculin ou du féminin existe en nous et dans le monde, mais toujours de façon mélangée. C’est cela qui nous rends uniques, différents les uns des autres. Le plus important, c’est de garder cette différence entre individus vivants, de donner la possibilité que plusieurs langages puissent exprimer.
Vous êtes née près de Venise. Quelle influence l’Italie a-t-elle sur votre travail ?
L’Italie est un pays où l’art est omniprésent, j’ai grandi avec ce panorama autour de moi, avec une attention à la forme. On devient le résultat de nos expériences et de ce que l’on voit.
Quelles différences entre théâtre et opéra ?
Au théâtre, j’invente le temps avec les acteurs et les danseurs sur scène. A l’opéra, très physique, la température, sombre ou joyeuse, est donnée par la musique. Je n’arrive pas à faire vraiment la différence entre ces deux mondes, ils me nourrissent l’un et l’autre.
Quels sacrifices malgré tout ?
Il faut toujours avoir une présence à distance avec ceux que tu aimes et que tu as dans ta vie. Même si tu n’es jamais là. J’ai toujours l’impression que mon temps s’écoule à une vitesse différente de celui de mes proches. Je vis dans la solitude depuis que j’ai 20 ans mais, dans la distance, je garde de la proximité. Il est important de comprendre quels sont les réels désirs qui sont en nous, sinon la solitude finira par arriver, et il sera trop tard.
Née à Bonn,Amélie Niermeyer enchaîne, dès ses 23 ans, après des études aux États-Unis, en Allemagne et en Australie, les postes de direction théâtrale et de mise en scène.
[Femmes en Bourgogne] En quoi consiste le métier de metteuse en scène ?
[Amélie Niermeyer] Je lis le livret d’opéra, j’écoute la musique, j’invente des images avec mon équipe et je tente de les réaliser sur scène. Je choisis scénographe, le créateur costumes et lumière et le chorégraphe. Je décide de ce qui se passe sur scène et le chef d’orchestre du déroulement de la musique. Le théâtre choisit chanteurs, chef d’orchestre, directeur musical.
La place de la femme dans le monde de l’opéra ou du théâtre ?
Il n’y a pas assez de femmes metteuses en scène d’opéra ou directrices artistiques. Tant que le pourcentage n’est pas égal, nous devons en parler. Nous sommes sur la bonne voie, les femmes artistes accèdent lentement aux postes de direction de théâtre. Parfois elles ont une vision différente des sujets, peut-être se différencient-elles lorsqu’elles dirigent un personnage féminin, mais je pense qu’il n’y a pas de style féminin, je ne l’ai pas encore trouvé.
Votre regard d’artiste sur la France ?
C’est excitant d’y travailler, c’est ma première fois et j’aime son théâtre. Mon regard sur l’opéra est influencé par mes racines culturelles mais je vis en Europe, la différence n’est pas si grande. Ma vision changera probablement après mon travail à Dijon.
Le prix à payer à votre métier passion ?
Mon fils a déménagé huit fois et changé cinq fois d’école. Mais c’est possible, nous passons beaucoup de temps ensemble et avons une relation merveilleuse.
Quelle importance accordez-vous à la transmission ?
J’enseigne la réalisation et le jeu d’acteur à l’université, j’aime transmettre mon expérience à la prochaine génération. Pourtant, je pense que chaque jeune génération devrait former son nouveau style. J’aime observer comment les jeunes femmes dirigent et trouvent leur chemin. Il est plus facile de travailler comme metteuse en scène dans le théâtre que dans l’opéra mais les choses changent peu à peu.
Vos conseils à une jeune femme qui voudrait se lancer ?
Si tu veux le faire, fais-le !
Julie de Philippe Boesmans, du 4 au 7 mai au Grand Théâtre
Don Pasquale de Donizetti, du 10 au 15 à l’Auditorium – opera-dijon.fr
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