Violence Humbert-Segard parcourt les rues d’un pas léger, en accord avec un maquillage haut en couleurs, une coupe folâtre et un look allègre. “Je suis non-binaire et cela me confère justement une liberté, dans l’apparence comme dans le comportement ; c’est ce que j’apprécie.” Interview.
Femmes en Bourgogne. La non-binarité : plutôt un déclic ou une question de timing progressif ?
Violence. J’ai obtenu un baccalauréat scientifique, pas spécialement par choix mais par conformité. Je me cherchais et ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. Mais ce que je savais, c’est que ce n’était pas moi. Après avoir décroché ce bac, je suis parti.e faire les Beaux-Arts pendant cinq ans. Il n’y a quand même que 40 personnes sur 250 qui sont retenues. C’est à ce moment-là, avec l’ouverture d’esprit que nécessite la formation, surtout quand on s’investit, que je me suis révélé.e. Mon mot d’ordre : la liberté ! La liberté physique, la liberté d’opinion, la liberté de faire, de donner à voir… la liberté de tout !
Votre quotidien : beaucoup de liberté, une pointe d’audace ?
Je fais ce que j’ai toujours voulu faire ! Les non-binaires sont souvent particulièrement débrouillards. Je suis artiste : je fais des vidéos, des mises en scène, des photos, des expositions… De nature curieuse, j’adore découvrir de nouvelles techniques. En ce moment par exemple, je pratique la céramique et le crochet pour la création de nouvelles œuvres. Je crois qu’on devrait tous constamment se challenger sur de nouveaux univers, pour nourrir nos personnalités. Ça aiderait certains à mieux comprendre leurs pairs d’ailleurs…
Le regard d’autrui en tant que non-binaire : c’est un challenge ?
C’est vrai que la tolérance n’est pas toujours de rigueur. Il m’est arrivé de subir des moqueries, voire des violences physiques, dans la rue par exemple. J’ai connu une période de peur, j’avoue, mais aujourd’hui, je crois que c’est justement ce qui me rend plus fort.e ! Ça m’encourage : j’ai encore plus envie de donner à voir qui je suis, comment j’aime m’habiller, me maquiller ou non… Vous êtes comme vous souhaitez être ; je suis comme je souhaite être. Les mentalités évoluent dans la société, mais ça reste toujours un peu long. Être non-binaire nécessite aussi une adaptation en fonction des lieux et des gens. Mais ce n’est que sur ma propre volonté, c’est un amusement, tout le monde ne le fait pas : j’adore justement trouver le bon maquillage, le bon haut, la bonne coiffure. C’est de l’art dans la vie.
Qui est Violenzia ?
Depuis quelque temps, je fais du Drag : Violenzia est mon personnage de scène. C’est une bourgeoise punk qui boit beaucoup et se met toujours dans des situations alambiquées. Mon but : dénoncer l’absurde avec humour. Au début, je ne faisais que du maquillage, puis j’ai conçu mes costumes et même mes perruques ! Chacun a sa manière de faire du Drag. Certains chantent, d’autres dansent, mais c’est toujours l’incarnation des stéréotypes de genre binaire via une performance, un show. En fait, il s’agit de déconstruire les codes pour en proposer de nouveaux, via le costume. Je réalise ces performances au sein du collectif d’artistes performeur.euses Gang Reine, que l’on a créé en 2018 avec d’autres étudiants des Beaux-Arts. C’est encore très timide à Dijon – c’est curieux d’ailleurs pour une ville qui était plutôt en avance si l’on pense notamment aux années du club L’An-Fer. Gang Reine est là, nous sommes là, pour divertir et inviter à la réflexion. Nous faisons beaucoup de shows aux Tanneries notamment.