Pendant longtemps figées autour d’un spectre binaire, les marques décident d’effacer peu à peu les frontières du genre. Charlène Desclerc, membre du Cerclecom et fondatrice de l’agence de communication Cha Studio, nous éclaire sur ce phénomène.
Pour aborder un sujet aussi complexe que le genre, il est d’abord bon de revenir sur les prémices d’une tendance qui a réussi à envelopper l’inconscient collectif. Né dans les années 70 au pays de l’Oncle Sam, le marketing genré, comme son nom l’indique, se définit par la volonté des publicitaires de différencier les produits “masculins” et “féminins”. Pour ce faire, rien de mieux que de bons vieux stéréotypes et autres codes visuels bien “clichés” afin de segmenter les choix du consommateur. Pour les femmes, on privilégiera la couleur rose, les packagings sexy, les typographies élégantes et fines, les senteurs florales et fruitées ; pour les hommes, le bleu sera de mise, un packaging assez brut et une typographie qui l’est tout autant, on jouera parfois la carte de la virilité. Même chose pour les jouets de nos enfants. Alors il ne s’agit pas de ne pas offrir une petite voiture à un garçon, ni une poupée à une fille, mais plutôt de réussir à développer leur esprit critique et de leur laisser le choix de ne pas s’enfermer dans un rôle. Car il est clair que l’on reproduit ce que l’on voit et la force des médias et de la communication est fondamentale dans l’éducation. Il est important de prendre conscience que la communication neutre n’existe pas. Les mots, les couleurs, les formes, les postures sur un spot publicitaire ont un sens.
“Les spécialistes en marketing ont compris que créer des produits par genre permettait d’augmenter les intentions d’achat et donc les ventes.”
La vie en “taxe” rose
Mais alors pourquoi démultiplier les produits en segmentant les choix ? La question en devient presque rhétorique. Tout simplement, car les spécialistes en marketing ont compris que créer des produits par genre permettait d’augmenter les intentions d’achat et donc les ventes. Plutôt que d’acheter un gel douche universel, les couples vont faire le choix d’en acheter deux. CQFD. Plus pervers encore, beaucoup d’exemples montrent qu’il existe une surtaxation des produits destinés aux femmes. On appelle ça « la taxe rose ». Par exemple, les produits de soins comme les rasoirs et les produits de soins capillaires sont souvent plus chers que ceux destinés aux hommes. Même chose pour les vêtements à matériaux et normes de qualité égaux. Une aberration quand on place cela en regard des inégalités salariales encore persistantes.
Du genre tenace
Nos choix de communication, de discours et de stratégie sont liés aux sujets de société – ici l’égalité femmes-hommes. Discriminer un genre, c’est continuer de jouer la carte des stéréotypes en donnant à voir dans les publicités une femme faisant la cuisine et un homme (souvent très musclé) réparant une voiture. D’autant plus absurde que ce n’est plus en corrélation avec notre époque. De plus en plus de voix s’élèvent pour rejeter cette segmentation binaire car les modes de consommation et les mentalités évoluent. Attention tout de même, certaines marques jouent de cette tendance. Il ne faut pas non plus tomber dans le “social washing”. Malgré tout, il serait illusoire de dire qu’il est possible de se passer totalement du genre en communication. Moi-même, dans mon travail de communicante, je dois souvent suivre un cahier des charges en fonction de l’attente de mes clients et viser un cœur de cible parfois plus “féminin” ou “masculin”. Le tout n’est pas de dégenrer totalement les marques – la mission serait vaine –, il faut au contraire laisser plus de choix et tendre vers l’effacement des stéréotypes.
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