Pour lutter contre le déploiement exponentiel de l’industrie de la location de tourisme et protéger le droit au logement, de plus en plus de collectivités optent pour une politique exigeante et contraignante. On fait le point avec Maître Fabien Kovac.
La loi définit les meublés de tourisme à l’article L 324-1-1 du Code du tourisme comme « des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ». Forte rentabilité, avantages fiscaux et facilité de location par le biais de plateformes spécialisées, ont conduit de plus en plus de propriétaires à faire le choix de ce type de locations. Mais bien sûr, face à cette aubaine économique pour les propriétaires, les détracteurs dénoncent des effets pervers sur le marché locatif. De plus en plus de logements entrent dans le marché du meublé de tourisme et de moins en moins d’habitants des communes concernées arrivent à trouver un toit dans le marché locatif classique. Par ailleurs, ils constituent une concurrence certaine pour les établissements hôteliers. « Entre Beaune, Dijon et le reste du département, on estime qu’il y a en Côte-d’Or 2 500 à 3 000 logements Airbnb », expliquait en 2020 Patrick Jacquier, en qualité de président en Côte-d’Or de l’Union des Métiers de l’Hôtellerie.
QUE FAIRE POUR LES JUGULER ?
Des dispositions fiscales sont en cours d’adoption et visent à réduire les avantages fiscaux liés à ce type de locations. Des communes, comme celles de Beaune, ont adopté des mesures imposant aux propriétaires de mettre, sur le marché de la location classique, un logement de typologie et de surface équivalente, pour être autorisé à exploiter un logement en location touristique. En gros, c’est un pour un. Des règlements de copropriété d’immeubles neufs interdisent purement et simplement ce type de location.
LA GUERRE EST OUVERTE AUX MEUBLÉS DE TOURISME ?
En réalité, pas vraiment. D’ailleurs, la plupart des villes y auraient-elles un intérêt, percevant sur les meublés de tourisme la taxe de séjour pour les nuitées qui y sont passées, ce qui n’est pas le cas pour les locations classiques ? Il est même possible que dans les mois à venir, une recrudescence de ce mode de location soit constatée. Pourquoi ? Pour schématiser, le règlement de copropriété, qui est la loi qui s’applique dans un immeuble, interdit, la plupart du temps, dans les biens anciens et notamment ceux des centres-villes historiques, les usages commerciaux, et précise que la destination est celle d’habitation bourgeoise. Les tribunaux en concluaient donc que l’activité de meublés de tourisme y était interdite. Les syndics de copropriété pouvaient donc s’opposer à la mise en location des logements sous cette forme. Mais unarrêtmajeurdelaCourdecassation du 25 janvier 2024 est venu mettre ce raisonnement à mal. La haute juridiction a en effet jugé, revenant ainsi sur ce qu’elle avait constamment décidé pendant une dizaine d’années, que la location meublée touristique est une activité civile, et qu’elle ne devient commerciale que si sont proposés, avec la location, au moins trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. Il est donc fort probable que des immeubles, jusqu’ici épargnés par la location meublée de tourisme, soient demain concernés. La loi en cours de discussion quant à elle maintiendra des avantages fiscaux, certes amoindris, mais dont les locations classiques, elles, ne profitent pas. Si la lutte est engagée, elle semble donc bien timide et on peut parier que les meublés de tourisme ont encore de beaux jours devant eux… si le climat de notre belle région y met un peu du sien.
Maître Fabien Kovac,
avocat Cabinet DGK AVOCATS ASSOCIES
www.cabinetdgk.com
Texte : Maître Fabien Kovac / Photographie : Jonas Jacquel