Voici Maria Dueñas, avec un tilde sur le n ! Avec sa verve incomparable, Daniel Fernandez présente la touchante artiste burgondo-andalouse. Entichée du poète García Lorca, cette pétillante passeuse aime la vie,
tout simplement. Et c’est déjà tellement…
Par Daniel Fernandez / Photos : D.R.
« Je ne suis qu’une passeuse de l’œuvre de Federico García Lorca », confie humblement Maria, en toute simplicité. « Je mets certains de ses poèmes en musique et les distribue oralement et musicalement à qui veut bien les prendre ou les entendre. » Pour elle, l’artiste et militant espagnol représente la liberté de penser, le plaisir, la malice et le courage.
Et quand elle évoque le fait que ce poète était un vrai cancre à l’école, elle sourit… Ainsi, l’air de rien, une jolie pichenette à un enseignement qui a tendance à réduire les êtres à leurs résultats scolaires. Je me joins à sa vision des choses (et je m’y connais…).
Prose andalouse
Cela fait bien des années qu’elle m’enlace du voile de sa voix, sans que je me lasse des toiles qu’elle tisse, au fil des mots du poète, les brodant sur des nappes de guitares, revêtant la prose de l’andalou, jadis amoureux de Dali. Et qui osa ce lourd et doux aveu, à une époque qui n’autorisait pas ce genre de confession : un exemple d’homme libre ! Et ça, ça l’a touchée.
La passeuse me parle de ses origines et de sa ville : la belle et fière Granada. C’est là que les vers de Lorca coulaient de la bouche de son père, une sensibilité, comme un langage, des expressions andalouses. Pétillante et coquine, dramatique ou profonde d’humanité, Maria vient d’un coin du monde où les oiseaux chantent la nuit. Puis passent le relais aux voix limpides ou écorchées des femmes et hommes de son patio, où les nuits sont douces et longues. De savoir qu’elle a ainsi été bercée de mélodies et de récits, on comprend mieux maintenant son envie et son besoin de perpétuer la façon qu’ils ont de s’unir et de se réunir là-bas.
Journée du bonheur
Maria travaille actuellement avec l’artiste Julie Rey. Le spectacle à venir, intitulé Première Peau, s’adresse aux poupons de
0 à 12 mois. Il est basé sur l’éveil, la voix et le toucher. Elle va par ailleurs mettre en scène un spectacle multidisciplinaire, reposant sur des écrits de l’écrivaine Christiane Singer, avant de chanter García Lorca dans le cadre d’Arts & Scènes (lire encadré), la saison culturelle du Département. Après avoir arpenté les planches et le gravier de multiples scènes, la chanteuse-conteuse-comédienne explique qu’elle aime tout simplement la vie. Et s’il fallait encore qu’elle nous convainque de cette façon de voir les choses, il faut savoir qu’elle a dernièrement proposé à la Ville de Dijon, de créer la Journée du bonheur. En toute simplicité.
Transmettre l’impalpable
Je la revois encore, il y a une poignée d’années, lors d’un concert à Chalon-sur-Saône où elle chantait Dimanche, en espagnol, avec Yves Jamait. Ce soir-là, Yves raclait de sa voix si reconnaissable « J’ai le ventre gonflé de larmes » ; Maria avait le ventre gonflé de vie, pleine d’avenir. Andalouse aux pieds nus, drapée dans sa robe rouge, telle une sainte enceinte, elle nous emporta, le public et moi, dans des respirations et des silences, qui me donnèrent la sensation que le monde avait cessé de tourner un instant. Ce moment restera gravé en moi. Continue encore d’être cette indispensable passeuse pour transmettre l’impalpable, Maria ! Hasta pronto…
Quand Maria Dueñas chante Lorca
Avec la Compagnie Nova, Maria Dueñas (chant) et Patryk Lory (guitare) rendent hommage aux textes méconnus du poète Federico García Lorca. Flamenco, tango, bossa nova se glissent naturellement dans la voix cristalline de la chanteuse alors que la guitare en enflamme et caresse le fil du voyage. Un duo sensible pour une œuvre immortelle. Après ses débuts comme comédienne avec Michel Haubert, Maria enchaîne les créations des compagnies Humbert et Frémont, du Théâtre de l’Index et du Collectif Impulsions… La voix chantée gagne en importance à mesure que le corps est investi dans l’approche théâtrale.
Prochaine représentation à Auxonne, vendredi 27 avril à 20h30 dans la salle événementielle (Jardins de l’Hôtel de Ville)ññò. 4 euros, gratuit pour les -18 ans. Durée : 1h20 – 03.80.31.02.38