Seules 6 % des entreprises de plus de 50 salariés versent des salaires égaux à leurs employés, quel que soit leur genre. Le chiffre tombe à 1 % lorsqu’elles comptent plus de 1 000 salariés. L’inégalité salariale s’inscrit parmi les discriminations que subissent les femmes dans leur milieu professionnel mais il ne s’agit parfois que la partie visible de l’iceberg.
Pute, salope… En plus d’être des injures n’ayant pas leur place dans une discussion, ces insultes relèvent des violences sexistes et sexuelles puisqu’elles se basent sur le genre de la personne, faute d’équivalent masculin. « Une main aux fesses, un baiser volé, une promotion refusée, des blagues sexistes créant un environnement pesant et hostile pour les femmes participent de ces violences sur le lieu de travail ou ailleurs et peuvent aller jusqu’au viol »,explique Pauline Lalle, chargée de mission égalité professionnelle au sein de Fete (Femmes EgaliTé Emploi) et formatrice en prévention des violences sexistes et sexuelles au travail.
Tout commence pendant l’entretien d’embauche, quand un recruteur interroge une candidate sur son souhait d’avoir des enfants – une question qui n’est que rarement posée à un homme et qui dépasse le registre des compétences. Pourtant, dans la confidentialité d’un bureau de recrutement, la démarche sexiste reste difficile à contrer quand une femme cherche un emploi et veut faire bonne impression.
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Une fois en poste, en particulier dans un univers majoritairement masculin, les femmes peuvent être confrontées à des collègues misogynes, convaincus que le sexe dit faible ne peut avoir les mêmes compétences. Même s’ils se montrent moins récalcitrants à travailler avec des femmes, certains hommes multiplient les plaisanteries douteuses. « Bien sûr, tous les hommes ne pensent pas à l’agression mais cela crée un continuum et cautionne un système de pensées et de valeurs qui va conforter d’autres hommes dans leur façon d’agir. » Les situations peuvent se révéler plus difficiles à vivre quand un homme mime des bruits ou des gestes déplacés en ciblant une collègue, fait du pied sous la table pendant une réunion, opte pour un fond d’écran avec des scènes pornographiques.
Autant d’initiatives parfaitement déplacées qui contribuent à créer un contexte malsain pour les femmes voire donnent d’elles une image dégradante. Sur le lieu de travail, certaines peuvent aussi être confrontées à un chantage sexuel pour obtenir une promotion canapé. « Ces attitudes enlèvent toute légitimité à la personne. Au lieu de se concentrer sur ses compétences, on la réduit à un objet de désir. » Les chiffres montrent qu’une femme active sur cinq a déjà rencontré une situation de harcèlement sexuel sur son lieu de travail. Parmi elles, 30 % préfèrent garder le silence car, si la parole se libère, les oreilles peinent encore à se tendre.
« ON NE PEUT PLUS RIEN DIRE ! »
Les temps changent, et cela bouscule les habitudes de tous, en particulier des hommes. « Les femmes mettent aujourd’hui en lumière des situations qui n’étaient pas plus acceptables hier qu’aujourd’hui mais alors qu’avant elles ne disaient rien, maintenant, elles réagissent. Une main aux fesses n’a jamais été une bonne chose. » En rappelant les limites à ne pas dépasser, la société évite la minimisation des faits et la banalisation des situations. « Un compliment ne doit pas mettre mal à l’aise la personne à qui il est destiné. Il ne doit pas être persistant ni déplacé. »
La drague et le harcèlement ne sont bien sûr pas sur le même tableau et la notion de réciprocité dans le rapport de séduction est essentielle – sans quoi il faut s’abstenir. Pour que l’entreprise appréhende au mieux les questions d’égalité, Fete aide les femmes à identifier les comportements inadaptés et les informe sur les recours possibles : service des ressources humaines, défenseur des droits, Amacod (Antenne municipale et associative de lutte contre les discriminations à Dijon), CIDFF (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles).
« Nous sensibilisons aussi les jeunes pour ne pas reproduire les attitudes sexistes et les recruteurs pour qu’ils ne discriminent pas. » Devant des agissements répréhensibles, un employeur se doit d’intervenir, la loi l’obligeant à mettre en sécurité son personnel et donc à faire stopper la situation. « Il doit mener une enquête pour mettre en place des mesures adaptées : former le personnel et l’encadrement, instaurer une procédure de signalement, sanctionner les responsables avec un blâme, une mise à pied voire un licenciement. » Quant à la victime, elle peut porter plainte de son côté. « Les entreprises de plus de 200 salariés ont l’obligation d’avoir un référent harcèlement sexuel », rappelle Pauline Lalle.
UN MÉTIER POUR TOUTES
Dans certains secteurs d’activité, les idées du monde d’avant font de la résistance au point que certains continuent à penser qu’une femme n’a pas sa place dans leurs rangs, qu’elle ne peut « assurer » aussi bien qu’un homme. Pour soulever des sacs de ciment par exemple. Et pourtant, « une infirmière ou une aide-soignante porte et manipule des corps tout au long de la journée. » Les préjugés se traduisent dans les chiffres : les femmes salariées se répartissent sur un nombre plus limité de métiers que les hommes. En effet, 10 des 87 familles professionnelles rassemblent près de la moitié des femmes, contre 17 pour les hommes. De leur côté, avec un salaire en moyenne 24 % moins élevé que celui de leurs homologues masculins, les femmes peuvent agir, bien que l’autocensure soit une réalité, tout comme la difficulté de faire bouger les lignes dans un système bien ancré.
S’il n’y a pas aujourd’hui de profil type de la victime de violence sexiste et sexuelle, ce sont toutefois les femmes qui subissent et les hommes qui sont responsables. « Certains secteurs invitent particulièrement à la vigilance. Par exemple le BTP, la mécanique, les forces de l’ordre, l’ingénierie ou l’informatique, à dominance masculine, ainsi que les emplois avec un lien hiérarchique fort comme la restauration. » Dans les professions où il est difficile de s’opposer à un client ou dans les métiers publics comme le commerce ou la santé, les femmes se retrouvent plus souvent qu’ailleurs dans des situations pénibles. En attendant que l’égalité professionnelle soit une réalité, il en va de la responsabilité de tous de faire bouger les lignes et les parcours.
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