Plus de 30 ans après Édith Cresson, Élisabeth Borne a été nommée à la tête du gouvernement le 16 mai. On peut se réjouir de la nomination d’une femme à Matignon. Peut-on, pour autant, parler d’« événement » ? Kildine Bataille, adjointe au maire de Dijon déléguée à la petite enfance et à l’égalité femmes-hommes, livre son analyse.
(Femmes en Bourgogne) Une femme à Matignon, est-ce que c’est vraiment une avancée en matière d’égalité femmes-hommes ?
Kildine Bataille. Je ne peux bouder mon plaisir quand une femme est nommée à un poste de pouvoir suprême en France. On ne peut qu’être positif, car cela démontre la capacité des femmes à occuper des postes à responsabilité au même titre que les hommes. La politique est faite de symboles et c’est un symbole extrêmement fort. Mais je pense que c’est beaucoup plus complexe que ça. Je crois qu’on aura gagné quand on aura autant de femmes que d’hommes à des postes de pouvoir – politiques ou non.
« On devrait se réjouir qu’Emmanuel Macron ait choisi une première ministre compétente qui répond à toutes ses exigences, plutôt que de se féliciter que ce soit une femme. »
Après la nomination d’Élisabeth Borne, vous avez posté un message sur les réseaux sociaux : « Bravo à Élisabeth Borne, seconde femme Première ministre nommée depuis 1991 en France. Ça ne devrait pas être un événement en 2022. Mais ça l’est. » Quel message vouliez-vous faire passer ?
En 2022, en France, cela ne devrait vraiment pas être un événement exceptionnel. Ça veut dire que l’égalité femmes-hommes sur ces sujets n’est pas encore acquise. On devrait se réjouir qu’Emmanuel Macron ait choisi une Première ministre compétente, qui répond à toutes ses exigences, plutôt que de se féliciter que ce soit une femme.
Cinq pays de l’Union européenne sont dirigés par des femmes, Angela Merkel est restée plus de 16 ans à la tête de l’Allemagne, Ursula Von der Leyen à la tête de la Commission européenne, Roberta Metsola présidente du Parlement européen… On ne serait pas à la traîne, en France ?
Complètement ! Selon moi, il ne faut pas voir cette nomination comme une victoire. Regardez les patrons de partis : il n’y a que des hommes ! Le pouvoir reste encore aux mains des hommes et ils ont du mal à le lâcher, du moins à le partager.
Dans un entretien au Journal du Dimanche, Édith Cresson, la seule femme à avoir occupé le poste de Premier ministre, souhaite « beaucoup de courage » à Élisabeth Borne et fustige « le machisme de la classe politique française ». Est-ce que c’est quelque chose que vous ressentez aussi ?
Évidemment, c’est quelque chose d’encore très présent. À Dijon, François Rebsamen a toujours mis la lutte contre les discriminations au cœur de son mandat. Donc pour ma part, je ne subis pas directement de sexisme. En revanche, quand je suis amenée à défendre des sujets qui me sont chers comme l’écriture inclusive par exemple, je suis sujette à de nombreuses critiques. Il n’en reste pas moins que, quand on commence à monter dans les sphères du pouvoir, on est encore loin du compte. Regardez ce qui s’est passé avec Jérôme Peyrat, condamné pour une affaire de violences conjugales. Il y a encore un grand tabou sur ce sujet. Je pense en revanche qu’il y a une grande solidarité entre femmes politiques, de tous les bords confondus. Vous savez, le féminisme, c’est la défense des droits des femmes, mais pas au détriment des hommes.
« Je dédie cette nomination à toutes les petites filles pour leur dire : Allez au bout de vos rêves ! Rien ne doit freiner le combat pour la place des femmes dans notre société. » Voilà les premiers mots d’Élisabeth Borne après son investiture. Vous pensiez faire de la politique quand vous étiez plus petite ?
C’est vrai qu’à 10-12 ans, j’ai sûrement eu envie de devenir présidente de la République ! Quand j’étais petite, je voulais déjà participer à la vie de mon quartier, avec un papa qui était très engagé dans la sphère associative. La dimension d’engagement m’a toujours impressionnée. Mon objectif, encore aujourd’hui, est de porter la parole de celles et de ceux qui ne peuvent pas le faire. Je pense que cela relève encore une fois de l’éducation. Si on éduquait nos petits garçons comme nos petites filles et si on élevait nos petites filles en leur disant d’oser y aller, on obtiendrait de grandes avancées.
Et vous, si vous étiez élue présidente de la République ou nommée Première ministre, quel serait votre premier geste symbolique ?
Je crois que la première chose que je ferais, ce serait d’aller dans une école primaire et de voir toutes ces petites filles et petits garçons pour leur parler de mon parcours et de mon combat. Leur montrer que tout est possible avec de l’envie et de la détermination.
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