Kildine Bataille est adjointe au maire de Dijon déléguée à l’égalité femmes-hommes et à la petite enfance. En tant qu’élue, citoyenne, femme active et maman, elle lutte contre toutes les formes de discriminations liées au sexe.
Femmes en Bourgogne. Égalité femmes-hommes et petite enfance : comment conciliez-vous ces deux délégations ?
Kildine Bataille. L’égalité femmes-hommes est une nouvelle délégation, que le maire de Dijon a souhaité créer : c’était une proposition de notre programme municipal en 2020. Nous n’avons évidemment pas attendu #MeToo pour la concevoir car le maire a toujours fait de l’égalité femmes-hommes une question importante. Mais force est de constater qu’avec #MeeToo, on a assisté à une véritable révolution au sein de la société, qui a généré une adhésion et une envie d’agir contre le sexisme et pour l’égalité des sexes, à Dijon et en France. Il était donc cohérent de créer cette délégation et d’y positionner un adjoint qui porte ces problématiques au plus haut de l’exécutif. En me confiant cette délégation et celle de la petite enfance, François Rebsamen savait que je lierais les deux autour d’un objectif commun : diffuser une culture de l’égalité partout où cela est possible, pour tous les Dijonnais. Qu’il s’agisse de proposer des modes d’accueil adaptés aux femmes qui veulent continuer à travailler, d’organiser des sessions de sensibilisation et des formation à l’égalité filles-garçons dans nos crèches et accueils périscolaires, ou encore de coordonner avec les acteurs locaux la prise en charge des femmes victimes de violences et de leurs enfants.
“Nous devons être attentifs à tout le monde, c’est le principe même du “care””.
Le genre dans la société : comment cette question est-elle intégrée par la ville de Dijon ?
C’est une question émergente et sensible à laquelle j’essaie d’apporter de la nuance. D’ailleurs, je n’aime pas le terme “inclusion”. Je pense qu’au-delà d’inclure, il faut surtout ne pas exclure : les femmes, les LGBTQIA+, bref, les minorités. Et les quelque 3 000 agents de notre collectivité forment une mini société dans laquelle le respect de l’égalité entre les sexes est un préalable. Pour preuve, la double labellisation Afnor, renouvelée en 2022, pour nos trois collectivités (ville, centre communal d’action sociale et métropole) est consacrée à l’égalité professionnelle et la diversité. La démarche de labellisation consiste à passer du discours à la pratique, des déclarations d’intention aux faits concrets. Dans cette égalité au sens large, nous incluons évidemment la dimension de genre et d’orientation sexuelle. Notre volonté est d’envisager toute notre politique municipale en prenant en compte la dimension du genre, que ce soit en matière économique, sociale, culturelle, d’urbanisme, de logement, d’aménagement des espaces publics. Nous travaillons par exemple avec une cinquantaine d’associations et d’institutions locales au sein de notre commission extra-municipale de lutte contre les discriminations sur un mois d’actions dédié à ce sujet de l’égalité et de la promotion des droits : le Mois de l’égalité. La ville de Dijon, du fait de son rôle au quotidien et en proximité avec les habitants, est un bon observatoire des inégalités, alors que la prise de conscience est générale. Nous devons être attentifs à tout le monde, c’est le principe même du “care”, du “prendre soin de tout le monde sous toutes les formes”. Notre devoir, c’est de construire des politiques sous le prisme des plus vulnérables, des plus exposés. Mais la question concerne également le monde de l’entreprise – beaucoup d’entre elles s’en saisissent à bras-le-corps aujourd’hui. L’égalité femmes-hommes est un travail de longue haleine, à mener auprès de tous les acteurs.
Qu’est-ce que le Mois de l’égalité ?
C’est une initiative de la ville de Dijon centrée autour du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, dont la première édition, l’an passé, a suscité beaucoup d’intérêt. La seconde édition est lancée ! J’ai souhaité mettre en lumière le tissu associatif local, les professionnels de santé, de l’éducation, de la petite enfance, de la justice et des forces de l’ordre – toutes celles et tous ceux qui œuvrent au quotidien pour faire respecter les droits des femmes et des enfants. Trente-et-un événements, tous gratuits, sont prévus dans notre ville : expositions, conférences, ciné-débat, visites… Sans compter nos actions internes à la collectivité. Ce Mois est l’occasion d’informer et de sensibiliser, sans être dogmatique. Le message est celui du respect, de la solidarité et du “comment peut-on agir, chacune et chacun à notre niveau pour que les choses changent pour les femmes et les filles ?“. Pour passer d’une égalité formelle à une égalité réelle, au quotidien, à Dijon.
L’éducation non-genrée des enfants, c’est un sujet nécessaire aujourd’hui ?
Il faut donner à voir aux enfants le monde tel qu’il est aujourd’hui. La ville de Dijon en fait l’une de ses missions. Dans les crèches et les accueils périscolaires, nous sommes attentifs à la mixité des métiers de la petite enfance par exemple : le visuel d’un homme déguisé en “superman” pour la journée découverte du métier d’assistant maternel, à l’initiative de la ville de Dijon, l’an dernier, a fait beaucoup réagir, et c’est très bien. Je suis également très attachée à la question de l’accueil des nouvelles parentalités dans nos crèches : hétéroparentales, homoparentales, monoparentales. Nous sommes vigilants, structure par structure : c’est du cousu main, et appuyé par des formations de nos professionnels. Ensemble, nous devons travailler sur le fait de ne pas mettre les enfants dans des cases, biologiques ou culturelles. Que ce soit dans les écoles, les crèches, le périscolaire ou les accueils de loisirs, il est important de proposer des espaces, des activités, des livres et des jeux variés et non-genrés dès le plus jeune âge. Je milite d’ailleurs pour des toilettes mixtes à l’école ! Pourquoi à la crèche les toilettes sont-elles mixtes, et plus à l’école ? Cela participe à créer des inégalités ! Le combat contre les violences sexistes et sexuelles commence ici, il doit se loger dans les expériences de la vie quotidienne, il doit être porté par les parents et par la communauté éducative. Si, dès le départ, l’enfant a le choix, il va comprendre la question de la non-exclusion. Il faut lui expliquer, et en cela nous pourrions reprendre les propos de la pédiatre et psychanalyste française Françoise Dolto : “L’enfant est une personne”.
La ville de Dijon a lancé un programme d’ambition éducative. En quoi consiste-t-il ?
À travers ce programme, baptisé “Génération Dijon”, la ville, de concert avec l’ensemble des acteurs éducatifs du territoire et les habitants, porte une ambition éducative volontariste et ancrée dans les réalités sociétales du XXIe siècle auprès des jeunes, de leur naissance à leurs 25 ans. C’est une démarche de participation citoyenne qui offre à tous la possibilité d’aider les jeunes à bien grandir et à devenir des citoyens éclairés et épanouis, dans tous les temps du quotidien. Plusieurs thèmes sont proposés, pour lesquels chacun peut s’exprimer ou partager son expérience : vivre ensemble (démocratie, égalité des genres, des chances), épanouissement des enfants et de jeunes (santé, sport, culture) et préparation aux grands défis contemporains (parentalité, numérique, écologie). Éduquer sans préjugés et accompagner les jeunes dans leur construction sociale et sociétale est une tâche qui est loin d’être simple. La ville de Dijon est aux côtés des parents : c’est cela, la co-éducation ! [ ndlr : pour participer, rendez-vous sur www.generation.dijon.fr ]
“Les transitions de la société, nous les vivons ensemble !”
Qu’aimeriez-vous dire à nos lecteurs pour conclure ?
Chacun est libre. Vous êtes libres d’être qui vous êtes, d’aimer qui vous voulez, et vous avez le choix. La ville de Dijon accueille tous les citoyens avec considération et bienveillance. Femmes, hommes, personnes non-binaires, vous êtes là pour nous aider à construire des actions et des services meilleurs et adaptés, notamment là où il y a des manques. La société est en mouvement, rien n’est figé. Les transitions de la société, nous les vivons ensemble !
Communiquer pour elle, eux, ielles
Mardi 31 janvier, dans le cadre de des 30 ans de sa création, le master en stratégies de communication internationale (Masci) de l’université de Bourgogne a organisé trois tables rondes autour de professionnels de la communication, de personnalités politiques, de chef(fe)s d’entreprise… Retour sur l’une d’elles, consacrée au thème : “Communiquer pour elles, eux, ielles”. Le langage est un élément fondamental de la communication humaine. C’est une des notions fortement mises en avant dans les échanges. Il structure nos pensées et, de fait, la vie en société. Se pose la question de l’inclusion. Là où la journaliste Estérelle Payany précise que “l’inclusivité n’est pas une question d’idéologie ou d’opinion“, Kildine Bataille, adjointe au maire de Dijon en charge de la petite enfance et de l’égalité femmes-hommes, ajoute “qu’au-delà d’inclure, il ne faut pas exclure“. C’est en ce sens que la ville de Dijon s’engage dans le dispositif Égali-crèche avec l’association Artemisa. Pendant deux ans, les crèches et les relais petite enfance de la ville feront l’objet d’un diagnostic des pratiques professionnelles, de la manière de communiquer avec les parents, du langage verbal et corporel employé… Communiquer, c’est aussi prévenir. “Il est nécessaire de s’interroger sur la société que nous voulons demain, notamment dans ses valeurs” alerte Catherine Marchi, membre du collectif Droits des femmes et du centre d’information sur les droits des femmes et des familles de Côte-d’Or (CIDFF 21). L’éducation et la prévention jouent un rôle prépondérant dans une société ouverte : “La culture de l’égalité et du respect mutuel est essentielle“, souligne-t-elle. À cela, Laëtitia Martinez, vice-présidente de la Région Bourgogne- Franche-Comté chargée des sports, de l’égalité, de la citoyenneté et de la participation, ajoute la notion de visibilité. Le pli d’une conscientisation sociale et sociétale est nécessaire et doit passer par un réel travail de réflexivité, déjà en cours. “Communiquer pour elles, eux, ielles” nécessite vigilance, conscience, connaissance et éveil. Ce que le Masci a mis en avant avec l’objectif de sensibiliser à ce sujet les professionnels de la communication de demain.