Le 31 mars prochain aura lieu la journée internationale de visibilité transgenre. L’occasion de mettre en lumière le parcours de Mya, qui vient tout juste terminer sa transition.
Femmes en Bourgogne. Tout d’abord, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur toi ?
Mya. Je m’appelle Mya, je vais bientôt avoir 22 ans. Actuellement, je suis en troisième année de licence de psychologie. Je vais me cancer dans un master en psychopathologie clinique pour ensuite me spécialiser en sexologie. Mon rêve est d’intervenir dans les lycées et les centres médico-psychologiques sur les questions d’éducation à la sexualité et du genre. C’est un peu utopique, mais j’ai envie d’apporter l’aide que je n’ai jamais eue à ces jeunes. Des passions, je ne suis pas sûre d’en avoir. Ma vie se résume un peu à mes cours et à mes amis. Je sais juste que je n’aime pas trop être toute seule. C’est paradoxal, car au premier abord, j’ai tendance à me méfier et à avoir peur des gens du fait de ma situation.
Tu as déjà rencontré des problèmes précisément à cause de ta situation ?
Énormément ! Pas forcément directement car, le plus souvent, les gens n’osent pas dire les choses en face. Pour donner un exemple, je vais retrouver mes copines au bar et la table derrière la nôtre va m’entendre parler et lancer des paris pour savoir si je suis un homme ou
une femme. Je suis assez sensible à tout ça et c’est vrai que, dès qu’un regard est un peu trop présent sur moi, je vais devenir parano et ça va me faire paniquer. Je sais que c’est parfois difficile pour les personnes transgenres de parler de la personne qu’elles étaient avant leur transition.
Est-ce que ça te dérange de nous dresser le portrait de ton « toi » d’avant ?
Non, ça ne me dérange pas. D’abord, il faut savoir que la plupart des personnes transgenres vont dire qu’elles ont ressenti ça dès leur plus
jeune âge ; un peu comme si c’était inné. Ce n’est pas mon cas. D’ailleurs, pour parler de moi avant ma transition, je parle de moi au masculin. Après, c’est vrai que j’ai toujours été attirée par ce qui est considéré comme socialement féminin. J’adorais les poupées, au carnaval je me déguisais avec des tenues de petite fille… À la fin du collège, j’ai commencé à rencontrer beaucoup de problèmes de santé et on a compris plus tard que c’était lié à un problème psychologique. Entre temps, j’avais déjà fait mon coming-out gay. Un jour, durant mes vacances d’été, j’ai regardé une vidéo sur les personnes transgenres et ça a été un vrai déclic. J’ai enfin compris ce qui n’allait pas. Je me suis laissé un mois pour réfléchir et j’ai envoyé un message à ma mère pour lui dire que voulais prendre rendez-vous chez le médecin et commencer ma transition. À partir du moment où j’ai commencé ma transition, mes problèmes de santé ont commencé à s’estomper.
Comment ta famille et tes proches ont-ils réagi face à ta volonté de changer de genre ?
J’ai eu la chance de recevoir énormément d’amour après ma décision. Mes parents m’ont toujours accompagnée et ne souhaitaient que mon bonheur. Bien sûr, cela leur a pris un peu de temps pour accepter le fait que leur petit garçon allait devenir une fille. Ils ont fait très vite l’effort de m’appeler par mon nouveau prénom et de me genrer correctement afin de ne pas me mettre mal à l’aise. J’ai remarqué que le temps d’adaptation suivait le temps de transition physique. Plus je ressemblais à une femme, plus c’était facile pour eux. Pour le reste de ma famille, les conditions de l’annonce ont été un peu plus compliquées, car j’ai fait une tentative de suicide à cause de ma transition qui n’avançait pas. Ils l’ont donc découvert quand j’étais sur un lit d’hôpital et que j’ai dû expliquer ma situation. Encore une fois, j’ai eu énormément de chance d’avoir reçu beaucoup d’amour de la part de tout le monde, que ce soit ma famille, mes amis, et même des personnes que je ne connaissais pas. Pendant ma scolarité toutefois, ça a été compliqué avec certains professeurs et proviseurs qui refusaient de m’appeler par mon nouveau prénom.
Si ce n’est pas indiscret, comment t’appelais-tu avant ?
Ça, en revanche, je ne le dirai pas. Je trouve que c’est de la curiosité malsaine et que ça n’apporte rien. En plus de ça, c’est un prénom que je n’apprécie pas et qui me rappelle de mauvais souvenirs.
Excuse-moi, je ne voulais pas être indiscret. Ça me permet de te poser la question : quelles sont les phrases que tu ne veux plus entendre en 2023 ?
Par exemple, les remarques comme : “Woah, c’est vraiment bien fait !” ou alors “On ne dirait vraiment pas que t’étais un mec !” Même chose pour mon ancien prénom. Le plus souvent, c’est rattaché à beaucoup de souffrance et ce n’est pas quelque chose que je souhaite me rappeler. Je n’ai pas fait tout ce chemin, tous ces combats, pour retourner en arrière. Après, je sais que le plus souvent, ça ne part pas d’un mauvais fond.
Aujourd’hui, à quel stade de ta transition en es-tu ?
J’ai presque tout fait. À commencer par une transition hormonale, mais sans passer par la chirurgie. J’envisage peut-être de faire une augmentation mammaire, mais plus j’avance et plus je me dis que c’est très bien d’avoir une petite poitrine. Le 6 mars, je vais enfin terminer totalement ma transition en faisant une réassignation sexuelle, c’est-à-dire qu’on prend l’organe génital masculin pour en faire un féminin afin qu’il soit fonctionnel et avec l’aspect sensoriel. Après, je tenais à souligner un point. Je trouve que le milieu médical n’est pas du tout adapté pour les personnes transgenres. Souvent, on pense que c’est le milieu où on est le plus accepté, pourtant, j’ai vécu beaucoup d’actes transphobes au cours de ma transition.
Comment gères-tu le regard des autres ?
Personnellement, je ne le vis pas bien. Même si je fais paraître le contraire, j’ai très peu confiance en moi, surtout par rapport à mon apparence. J’ai par exemple de la dysphorie de genre, c’est un état de mal-être profond qui est lié au genre. Dans mon cas, quand je fais des crises, je vais être violente avec moi-même. C’est vraiment une chose que je ne contrôle pas. Quand je suis dans cet état, je vais voir beaucoup de traits masculins sur mon visage. Au quotidien, j’ai du mal à me trouver jolie et féminine.
Est-ce que tu vois la société évoluer sur ce sujet ?
Oui, mais malheureusement, pas assez vite. Le pire, c’est d’entendre que la transidentité est un effet de mode. En même temps, on ne peut pas demander à la société, qui a vécu comme ça pendant des années, de changer du jour au lendemain. Je suis pour qu’on puisse vivre comme on a envie, qu’on soit accepté et qu’on puisse sortir de chez soi sans avoir la boule au ventre.
Pour finir, comment imagines-tu ta vie dans une dizaine d’années ?
Déjà, j’espère être encore en vie. Car la réalité, c’est que le taux de suicide chez les personnes transgenres est bien supérieur à la moyenne de la population. J’espère surtout être heureuse. Ça passera à la fois par un changement de regard sur moi-même, mais surtout par un changement de regard de la part de la société.