Voilà près de quinze ans que Patrick Jacquier veillait au bon fonctionnement de l’hôtellerie et de la restauration du département. Des établissements, il en a vu s’ouvrir au cours de sa carrière. Cette année, le président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie de Côte-d’Or (UMIH 21) passe le flambeau et laisse sa place à une coprésidence composée de Lionnel Petitcolas et Christophe Le Mesnil, élus en avril dernier. Entretien croisé sur un Dijon en pleine prise de hauteur.
“JE SUIS FIER DE NOTRE VILLE
PATRICK JACQUIER, PRÉSIDENT SORTANT DE L’UMIH 21
ET DE CE QUI A ÉTÉ FAIT
POUR ACCENTUER SA NOTORIÉTÉ.”
Femmes en Bourgogne. Dijon a bien changé depuis votre arrivée à la tête de l’UMIH 21. Comment caractériseriez-vous l’évolution de la ville en matière touristique ?
Patrick Jacquier. Je pense tout d’abord qu’il y a eu une évolution dans la promotion de la ville. Quand on voit par exemple que Dijon fait partie des « 100 villes à connaître et à visiter dans sa vie » selon le magazine Time, c’est quelque chose de magnifique. Les institutions de la région, du département et de la ville se sont rendu compte de sa notoriété grandissante et de son image. Nous sommes tous conscients que Dijon est une belle ville. Si nous prenons juste l’exemple des terrasses, elles ont largement contribué à l’accueil des touristes. D’une manière générale, je suis fier de notre ville et de ce qui a été fait pour accentuer sa notoriété. Il faut en revanche, à mon sens, que les touristes soient de plus en plus visibles dans la ville, avec des bus touristiques par exemple.
Comment continuer à accroitre cette notoriété ?
Lionnel Petitcolas. L’enjeu, c’est de faire de Dijon non plus une ville de passage, mais une ville de destination. Pour y parvenir, il est essentiel que nous disposions de pôles d’attractivité, à l’image de la Cité internationale de la gastronomie et du vin, du Musée des Beaux-Arts, de l’embellissement et la piétonnisation du centre-ville.
L’arrivée d’un Mama Shelter à Dijon veut quand même dire quelque chose de la ville et de son pouvoir attractif…
P. J. C’est vrai qu’il y a 18 Mama Shelter à travers le monde, que ce soit à Paris, Los Angeles, Rome, Lisbonne, Berlin… Cette implantation est un élément de fierté pour la ville et permet d’accroître encore sa notoriété. Le Mama Shelter est plus qu’un lieu d’hébergement, c’est un lieu d’attractivité. C’est un peu la même chose pour le Hilton qui va ouvrir à la Cité de la gastronomie. Avec ses 179 millions de cartes d’abonnés, cela va largement contribuer à apporter une nouvelle clientèle.
Avec l’ouverture de plusieurs nouveaux établissements en 2023 et 2024, le parc hôtelier dijonnais comptera près de 5 000 chambres cette année. C’est un véritable atout pour en faire une capitale du tourisme et des congrès. Cependant, n’est-ce pas excessif pour une ville de taille intermédiaire comme Dijon ? N’y a-t-il pas un plafond de verre ?
P. J. Je pense que la volonté de la Ville et de son maire est effectivement de proposer une offre qui dépasse peut- être aujourd’hui la demande. Il faut réussir à trouver un équilibre. Je pense cependant que les retards d’ouverture d’hôtels sont plutôt bien tombés, car s’ils avaient tous ouvert l’été dernier, cela aurait été sûrement trop tôt. La ville qui a le plus grand nombre de chambres au monde, c’est Miami. Il arrive que les chambres y soient toutes réservées à certaines périodes sur un jour, deux jours, 30 jours… Ce qu’il ne faut pas, c’est qu’elles soient vides le reste de l’année.
L. P. La volonté des professionnels n’est pas forcément toujours la même que celle des pouvoirs publics. Nous considérons que l’ouverture des hôtels doit être plus progressive. Mais l’étalement involontaire de cette offre fait que la demande suivra par chance au même rythme.
Nous allons connaître une année riche en événements internationaux, à l’instar du Tour de France et du passage de la Flamme Olympique. Quel impact cela va avoir sur la ville de Dijon et sur la Côte-d’Or dans son ensemble ?
L. P. Le Jour J, nous serons effectivement prêts à accueillir tout ce flux. Mais je pense que le véritable bénéfice ne réside pas uniquement dans la journée elle-même : le vrai bénéfice, c’est toute la notoriété qui découlera du passage de ce genre d’événements. Le Tour de France, par exemple, représentera trois jours complets à travers la Côte-d’Or. C’est une publicité incroyable pour mettre en valeur notre patrimoine. Selon moi, l’investissement pour le Tour de France sera vraiment très rentable.
Le revers de la médaille d’une ville attractive, c’est la pénurie de logements disponibles à la location longue durée que cela peut entraîner. Au sein de la métropole, on estime à 1 300 le nombre de meublés touristiques destinés à la location courte durée. Est- ce que cela a un vrai impact sur vos métiers ?
L. P. Nous partageons la même vision avec Patrick : la location courte durée contribue à la diversité de l’offre, donc nous ne sommes pas en opposition avec elle. Cependant, il y a en effet deux inconvénients majeurs. Tout d’abord, elle crée une concurrence déloyale, car ces établissements n’ont pas les mêmes obligations que nous en termes de réglementation. Il est donc nécessaire de rétablir une équité en matière de normes de sécurité incendie ou d’accessibilité, par exemple. Ensuite, il y a également une pénurie de logements qui fait que nous avons du mal à loger tous nos collaborateurs. Nous n’avons pas de problème avec la location courte durée tant qu’elle est maîtrisée. La municipalité commence à prendre conscience de ce problème, il est donc important de continuer dans ce sens.
P. J. Il faut envisager cette offre comme un complément à la nôtre. Mais, à vrai dire, je pense qu’il y a bien plus que 1 300 logements de courte durée à Dijon. Cela témoigne de la capacité d’accueil colossale que la ville a acquise en quelques années.
Qu’est-ce qui manque encore à Dijon selon vous ?
L. P. C’est indéniable, nous manquons d’un aéroport. Nous sommes la seule capitale régionale qui en est dépourvue. C’est un facteur clé du succès de destinations comme la Bourgogne, la Côte-d’Or et Dijon. Nous rencontrons également la même problématique avec l’arrêt de la ligne TGV Dijon-Roissy-Lille.
P. J. Il serait intéressant d’organiser une concertation plus large avec les professionnels du tourisme de Bourgogne-Franche-Comté.
Comment voyez-vous Dijon d’ici une dizaine d’années ?
P. J. J’espère que, dans dix ans, il y aura encore 5 000 chambres de plus. J’espère que la demande sera tellement forte que l’offre suivra. À l’inverse, j’espère que cela ne baissera pas. Plus il y aura de chambres, plus cela voudra dire que notre marché est intéressant. Je suis plutôt optimiste à cet égard.
Texte : Quentin Scavardo / Photographie : Jonas Jacquel